Page:Nerciat - Félicia.djvu/41

Cette page a été validée par deux contributeurs.

moi, sans doute, que regarde l’accusation de ton impertinent anonyme ? Je ne disconviens pas d’avoir beaucoup vu ta femme pendant que tu étais là-bas ; mais c’était d’abord par ton ordre. Or penses-tu que j’eusse voulu la suborner ? — Il ne s’agit pas de cela, mon ami. Chacun dans ce monde se conduit comme il peut ; tu auras fait ce qu’il t’aura plu : ma femme de même, c’est de quoi je me soucie peu et ne m’en informe point. Achève ce que tu voulais nous dire. Achève. — Eh bien, je veux dire, mon cher, que si, succombant au danger de voir tous les jours une femme charmante, j’avais pu servir au fond du cœur quelque chose de plus que ce qu’un mari peut approuver, du moins, étant ton ami au point où je le suis, j’aurais eu l’attention de ne te donner aucun sujet de plainte. Celui qui t’écrit exagère ; ses soupçons n’ont pour fondement que sa basse jalousie : ta femme t’aime de tout son cœur ; je te suis entièrement attaché, et si je puis te conseiller dans une affaire qu’on veut me rendre personnelle, je serais d’avis que ta vengeance tombe uniquement sur celui qui a pu te manquer en te parlant de déshonneur ; qui a pu méditer le projet exécrable de troubler un ménage heureux et de brouiller de parfaits amis. — Touche là, mon cher Lambert, tu viens de parler comme un sage, et tu m’as deviné. Ah ! si nous avons jamais le bonheur de vous happer, Monsieur le scandalisé, nous vous apprendrons à ne pas espérer qu’un honnête homme prenne des partis violents d’après une délation anonyme. Mais ma femme va, sans doute, nous faire connaître l’imposteur. — Son écriture le trahit, dit Sylvina. Il ne se doutait pas, certainement, que je dusse voir cette lettre. — Dis-nous donc sans hésiter qui il est ? où le trouver ? Il faut qu’il soit châtié, que tu sois vengée ! Tu connais heureusement l’écriture ? — J’avoue que j’avais eu l’imprudence de recevoir quelques lettres de ce maudit homme, bien peu fait pourtant pour en écrire de l’espèce de celles qu’il m’adressait, et… — Un homme bien peu fait, interrompit Lambert. J’y suis peut-être ! Ne serait-ce pas par hasard le vénérable docteur Béatin ? — Lui-même. — M. Béatin, ton directeur ?