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s’étaient répandus. Saint-Jean, retourné chez ses maîtres et les ayant quelquefois suivis chez moi, s’était quelquefois faufilé avec mes laquais. Bientôt il fut assez lié pour pouvoir présenter un ami. M. Le Franc, c’était le nom du sien, fut amené et reconnu de Thérèse, qu’il ne retrouva pas sans en ressentir lui-même une joie très vive, il était resté à ces deux êtres une bonne opinion réciproque, qui faisait que, malgré ce qui s’était passé, ils se voulaient au fond de l’âme une sorte de bien. Le Franc se rappelait que la belle Thérèse avait mis beaucoup d’honnêteté dans ses procédés et que, d’après ce qu’elle lui avait dit, il n’eût tenu qu’à lui d’être moins imprudent. Elle lui avait paru d’ailleurs une excellente jouissance, et en faveur du plaisir incomparable qu’il avait goûté dans les bras de cette lubrique soubrette, il lui pardonnait généreusement de l’avoir si mal accommodé. Thérèse, de son côté, se rappelait certaine vigueur, certaine manière de faire les choses… Les esprits ainsi disposés, la première rencontre décida de leur sympathie : ils devinrent éperdument amoureux l’un de l’autre et s’arrangèrent au mieux. Depuis que je vivais moi-même avec le marquis, Thérèse favorisait très régulièrement M. Le Franc, Un jour leur bon génie leur inspira de prendre de moitié un terne sec d’un louis à la loterie de l’École militaire ; le billet réussit et fit leur fortune. Peu de temps après, le couple amoureux s’unit tout de bon par le nœud solide du mariage. Ce fut alors que Le Franc, qui était un assez bon plaisant, nous conta dans le plus grand détail son aventure du bois, dont Thérèse, amie de la vérité, ne contredit pas la moindre circonstance.




CHAPITRE XXII


Entrevue orageuse avec Mme de Kerlandec.


Le lot supposé du marquis ayant amené fort naturellement l’histoire de Thérèse, j’ai parlé de cette fille et me