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CHAPITRE XVIII


Comment j’appris au comte ce que nous étions convenus de lui cacher encore. — Ce qui nous arriva. — Ma première entrevue avec milord Sydney.


— Enfin donc, me dit le comte, lorsque nous ne fûmes plus que nous trois, enfin je touche au moment fatal qui va décider de ma vie ou de ma mort ! Il est de retour, ce funeste étranger, cet éternel obstacle à mon bonheur ! Je ne puis me dissimuler l’amour que Mme de Kerlandec a pour lui, et si vous-même, belle Félicia, vous, que milord Sydney devrait préférer à tout ce qui existe, si vous n’usez de tout ce pouvoir de vos charmes et de votre esprit pour le détourner de renouveler ses liaisons avec Mme de Kerlandec, je suis sûr que le seul bonheur, dont l’espérance me donnait le courage de vivre, va m’échapper une dernière fois…

Les pleurs dont cette plainte pathétique était accompagnée firent couler abondamment les nôtres. — Cher comte, lui dis-je à mon tour, avec tout l’intérêt d’un cœur qui lui était tendrement attaché, le bonheur chimérique de posséder Mme de Kerlandec ne doit pas être dans ce moment le principal objet de vos désirs : fermez votre âme aux chagrins, à la jalousie. C’est par une faveur bien préférable à la conquête d’une femme insensible que le sort veut aujourd’hui réparer toutes ses injustices à votre égard. (Il m’écoutait avec une attention avide.) — Quoi donc ? quel bonheur, dites-vous ? Madame ! ne différez plus… Mais, de quelle espérance peut-on me flatter ?… Que peut-il désormais m’arriver d’heureux à moi ? Non, chère Félicia, je ne prends point le change ; je ne puis être heureux que par… — Vous le serez, mon cher comte, par l’événement le plus avantageux pour vous, et s’il fallait choisir entre la main de l’insensible Kerlandec ou le bonheur inestimable que je puis