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étaient mêlées m’apprenaient qu’Aminte et l’inconnu s’adoraient et que leur connaissance était antérieure au mariage de M. de Kerlandec. La lettre qu’Aminte avait commencée exprimait la plus forte passion ; les derniers mots étaient : — Et demain l’original veut te prouver encore mieux… — Je fus transporté de rage… »

J’interrompis le comte pour lui demander si parmi ces lettres, il y en avait de signées, et s’il se souvenait du cachet. Il répondit que la plupart étaient signées d’une S, que le cachet était un chiffre SZ et que son rival donnait partout à Mme de Kerlandec le nom de Zéila.




CHAPITRE XXXII


Conclusion de l’histoire du malheureux comte.


« Je tombai, continua-t-il, dans une si profonde mélancolie qu’au bout de deux mois je ressemblais tout à fait à une momie. Je voyais la mort arriver à grands pas, et j’en étais charmé. Mais je ne supportais pas le tourment de penser que je laisserais après moi mon rival, possédant paisiblement l’objet de mon funeste amour, — Mais quoi ! pensai-je tout à coup. Pourquoi ne troublai-je pas ses plaisirs ! Pourquoi faudra-t-il que quelqu’un aime la belle Kerlandec et soit heureux, tandis que la même passion causera mon supplice ! Oui, trop fortuné rival, tu sentiras à ton tour le poids du malheur, tu périras sous mes coups, si tu es aussi heureux à te battre qu’à faire l’amour, si tu me fais mourir une dernière fois, du moins le soin de ta liberté te forcera de fuir et tu ne verras plus ton amante… Oui, ce parti est mon unique ressource. Je suis étonné de n’y avoir pas pensé plus tôt.