Page:NRF 5.djvu/840

Cette page n’a pas encore été corrigée

834 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

duise par des hésitations et de l'indéfini, mais il cherche à le remplacer. Il exprime- la fluidité des choses en y substituant sa merveilleuse justesse décidée.

La peinture est un moyen d'empêcher les choses de bouger. — Tout être vivant rayonne ; il per- met à sa forme de s'en aller de lui, elle se détache incessamment de lui comme un beau fantôme vite dissipé ; et par chacun de ses gestes il délie de doux cercles invisibles qui se propagent. Le trait d'Ingres recueille partout cette grâce émanée ; il l'arrête sitôt qu'elle quitte le corps, il lui laisse un peu de place, il attend son essor, puis tout de suite le contient, l'apaise. Partout il a prévenu l'onde ; il lui interdit de passer jusqu'à se défaire; à toutes celles qui viennent il impose son exquise limite ; il les captive et s'en augmente, il prend dans sa fixité leur mouvante vertu, il s'anime de leur évanouissement en lui.

C'est pourquoi ce trait est si simple ; toujours il se ramène à des droites et à des courbes. En effet il ne s'applique pas sur la forme, il ne la serre pas avec ignorance ; il la décrit au moment où, séparée un peu de l'objet, déjà elle en oublie les retraits et les saillies. Comme dans une rivière, autour d'un plongeon confus, les ondes à mesure qu'elles s'écartent se régularisent, de même le con- tour des choses, sitôt qu'il les quitte, retrouve les profils idéaux de la géométrie. Le dessin d'Ingres

�� �