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NOTES 63 1

sel Verlag à deux mille exemplaires il y a moins d'un an, est à peu près épuisée aujourd'hui.

Aussi Zweig a-t-il pu dire que " l'Allemagne deviendrait la véritable patrie de Verhaeren, comme elle était déjà celle de Maeterlinck "... Schlaf gardait plus de mesure, lorsqu'il saluait en Verhaeren un des premiers représentants du " bon Euro- péen". Tout en faisant ressortir l'apport de la race germani- que dans cette heureuse synthèse que réaHse le poète flamand, il laissait une part équitable à la culture française.

Zweig, lui, ne choisit ni détours, ni tempéraments. Avec une sincérité à laquelle il faut d'ailleurs rendre hommage, il construit un Verhaeren d'une robustesse toute primitive, ger- manique et un peu vulgaire ; un Verhaeren avec " l'instinct barbare de l'homme fort, aimant les couleurs violentes et les oppositions brutales ", pathétique, métaphysique, dédaigneux de notre art savant et de nos grâces subtiles, insensible à la nuance.

Ce travers que Meier-Graefe reprochait récemment à ses compatriotes : de ne pouvoir envisager les questions " esthé- tiques autrement que d'un point de vue patriotique ", ne nuit pas seulement à l'étude critique, mais aussi à la traduction de Zweig.

S'obstinant à ne voir dans son poète que le "tempérament", sans tenir compte du "métier", il transpose quand il croit rendre. Sa version est à l'original ce qu'un plant américain est au cep français sur lequel on l'a greffé : la même sève y coule; les rameaux sont drus et forts ; mais ils ont perdu leur élasticité et leur finesse. Tout ce qui, dans la poésie de Verhaeren, est souffle, fougue, ivresse dionysienne, et aussi tout ce qui est pensée pure, Zweig l'a fait passer dans le texte allemand. Tra- duisant d'enthousiasme, il rend avec une grande abondance verbale les morceaux de force comme la Révolte. Mais aussi il lui arrive de toucher d'une main lourde à des choses ailées. Il ne manie point la langue comme Nietzsche entendait qu'on le fît à la façon d'une lame souple, agUe et siire, dont les moin- dres vibrations se communiqueraient à des nerfs délicats. Il a trop souvent ce geste de lutteur qu'il prête à Verhaeren, et

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