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524 ^^ NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

pas tenir une fourchette. Je l'ai vu, au dernier dîner du préfet. Au second service, il s'est repris, mais au premier, il posait l'index presque à même les dents.

Madame Charras. — Sapristi ! ma chère Emilie, rien ne vous échappe.

Madame Brun. — Je sais regarder, voilà tout... Quand un homme a été paysan, cela se retrouve toujours, même sous la pourpre. Je suis sûre que si je connaissais Pie X...

Maurice. — Je crains que vous n'y arriviez pas...

Mademoiselle Cazagnaire. — Taisez- vous, madame, taisez-vous ! C'est un blasphème.

Madame Brun, qui cède avec une complaisance mépri- sante. — Comme vous voudrez.... Bref, je pense que, si la femme est en effet capable d'évolution, l'homme, par contre, est imperfectible. Un vernis : voilà tout ce que lui permet d'acquérir la grossièreté da sa nature.

Maurice, mélancolique. — Ah ! ça, c'est bien vrai !

Madame Charras, femme de diversion. — Si vous serviez le thé, mes petites. {Adrienne et Emma s'y empres- sent^ mais cela ne suffit pas à créer la diversion désirée^ car madame Brun a de la suite dans les idées.)

Madame Brun. — Un nuage, merci. N'oubliez pas le sucre... Oui, deux petits-fours... Et puis cet homme- là, je l'ai toujours trouvé très vulgaire. Il a cette espèce de séduction banale d'un Don Juan pour paysannes et vieilles dévotes.

Mademoiselle Cazagnaire, révoltée. — Qu'osez-vous insinuer, madame ?

Madame Brun. — Rien du tout, mademoiselle. Je respecte la piété. Vous êtes une personne pieuse.

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