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5l6 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Monsieur Truc. — Et comment l'avez-vous connue, cette enfant ?

Le bel Arsène. — Je l'avais quelquefois remarquée, la sortie de la parfumerie Joubert ; seulement, je me gardais bien de lui dire quoi que ce soit, parce que les femmes, il faut toujours les laisser venir, ou tout au moins en avoir l'air ; et puis attendre l'occasion. Je savais bien qu'un jour ou l'autre, cette occasion se présenterait.

Quelques mois se passent. Quand nous nous rencon- trions, la petite me regardait en dessous ; elle se disait, c'était visible : " Eh ! voilà monsieur Arsène ! "

Monsieur Bœuf. — Ce que c'est que la réputation !

Le bel Arsène, grave. — Il faut pouvoir la soutenir. Sinon, on la perd plus vite qu'on ne l'a acquise. Un jour donc, il arrive de Paris des gens qui veulent visiter une parfumerie, vous savez, des artistes : ils habitent Le Pré- du-Lac, les Chatel, je crois.

Madame Toesca-Sardou. — Oui, je les connais. Je leur vends du vin.

Le bel Arsène. — Je fais mon petit Cicéron, je leur montre les moteurs, les courroies de transmission, les alambics, et enfin j'arrive à l'atelier où travaillait la gamine. Je frappe le grand coup. Sans rien dire, sans même la regarder, je lui mets dans la main un billet. Pfuit ! plus vite qu'un chardonneret qui avale une graine, elle le fait disparaître, le papier, dans son corsage... Je me disais : " Elle va le couver là, toute la journée, bien au chaud... " Eh ! c'est peut-être pour ça qu'on les appelle des " poulets ", les billets doux, hein ?...

Madame Toesca-Sardou. — Ce monsieur Arsène, tout de même, toujours des idées drôles ?

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