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ISABELLE 35

en pièce, précautionneusement car le plancher par en- droits fléchissait et faisait mine de se rompre ; étouffant nos pas, non que quelqu'un pût être là pour les entendre, mais dans le grand silence de cette maison vide, le bruit de notre présence retentissait indécemment, nous eflFrayait presque. Aux fenêtres du rez-de-chaussée plusieurs car- reaux manquaient ; entre les lames des contrevents un bignonia poussait vers la salle à manger, dans la pénombre, d'énormes tiges blanches et molles.

Gérard nous avait quittés ; nous pensâmes qu'il pré- ferait revoir seul ces lieux dont il avait connu les hôtes et nous continuâmes sans lui notre visite. Sans doute nous avait-il précédés au premier étage, à travers la désolation des chambres nues ; dans l'une d'elles une branche de buis pendait encore au mur, retenue à une sorte d'agrafe par une faveur décolorée ; il me parut qu'elle balançait faiblement au bout de son lien, et je me persuadai que Gérard en passant venait d'en détacher une ramille.

Nous le retrouvâmes au second étage, près de la fenêtre dévitrée d'un corridor par laquelle on avait ramené vers l'intérieur une corde tombant du dehors ; c'était la corde d'une cloche, et je l 'allais tirer doucement, quand brusque- ment je me sentis saisir le bras par Gérard ; son geste, au contraire d'arrêter le mien, l'amplifia : soudain retentit un glas rauque, si près de nous, si brutal, qu'il nous fit péniblement tressaillir ; puis, lorsqu'il semblait déjà que se fût refermé le silence, deux notes pures tombèrent encore, espacées, déjà lointaines. Je m'étais retourné vers Gérard et je vis que ses lèvres tremblaient.

— Allons-nous en, fit-il. J'ai besoin de respirer un autre air.

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