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356 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

âme, un peu monstrueuse et effrayante comme un Dieu de jadis, mais si belle. Et mon cœur habite par là-bas, mon cœur est très grand, il a comme des ailes qui s'étendent.

Je rêve d'une machine ; j'en ai composé le plan ce soir. Si je le fais comme je l'ai senti, ce sera passionnément beau. Ce sera l'histoire d'une pau- vre fille simple, innocente, bonne, laide, horrible, qui rêve, qui vit, qui a besoin d'amour, et qui souffre, qui souffre de n'en pas avoir, tant que son cœur est à nu, et que la moindre chose l'écorche. A côté d'elle, c'est un abbé de campagne, bon comme Dieu, qui aime tout ce qui souffre, qui s'attendrit, qui pleure et qui sourit de bonheur et de mélancolie. Or, cet homme, pris d'une pitié vaste comme celle de Jésus, pour donner de la joie, du bonheur, à la pauvre innocente, s'imposera le supplice de la baiser, de lui faire connaître, une fois, la Volupté.

Je suis ému, je les vois tous deux, je compose les scènes. Elle s'appellera Marie, et je l'ai connue. Elle sera laide, branlante, bancale, baveuse. Elle aura des yeux bleu clair comme des pervenches, une âme de violette. Oh ! oui, je la sens comme une violette. Je sens la crispation de ses pauvres mains, je vois ses sabots. Pauvre Marie, elle ne peut presque pas marcher. Elle regardera se marier les jeunes filles ses anciennes compagnes. Voici la

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