Page:NRF 5.djvu/317

Cette page n’a pas encore été corrigée

ISABELLE 311

hôtes ; et moi-même ime angoisse, une sorte d'horreur m'étreignait. O printemps ! o vents du large, parfums voluptueux, musiques aérées, jusqu'ici vous ne parviendrez plus jamais ! me disais-je ; et je songeais à- vous, Isabelle. De quelle tombe aviez-vous su vous évader ! vers quelle vie ? Là, dans la calme clarté de la lampe, je vous imaginais, sur vos doigts délicats laissant peser votre front pâle ; une boucle de cheveux noirs touche, caresse votre poignet. Comme vos yeux regardent loin ! de quel ennui sans nom de votre chair et de votre âme, raconte-t-il la plainte, ce soupir qu'ils n'entendent pas ? Et de moi- même, à mon insu, s'échappait un soupir énorme qui tenait du bâillement, du sanglot, de sorte que Madame de Saint- Auréol, jetant son dernier atout sur la table, s'écriait ; — Je crois que Monsieur Lacase a grande envie de s'aller coucher. — Pauvre femme !

Cette nuit je fis un rêve absurde ; un rêve qui n'était d'abord que la continuation de la réalité.

La soirée n'était pas achevée ; j'étais encore dans le salon, près de mes hôtes, mais à eux s'adjoignait une société dont le nombre incessamment croissait bien que je ne visse point précisément arriver de personnes nouvelles ; je reconnais- sais Casimir assis à la table devant un jeu de patience vers laquelle trois ou quatre figures se penchaient. On parlait à voix basse, de sorte que je ne distinguais aucune phrase, mais je comprenais que chacun signalait à son voisin quelque chose d'extraordinaire et dont le voisin à son tour s'étonnait ; l'attention se portait vers un point, là, près de Casimir, où tout à coup je reconnus, assise à table (comment ne l'avais-je pas distinguée plus tôt ?)

�� �