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304 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

vanité, par faiblesse, je m'étais laissé aller précédemment à ce genre de confidences que ne devrait souffler jamais qu'une profonde sympathie ; et depuis qu'il savait mes prétentions il s'amusait de moi d'une manière qui déjà me devenait insupportable) — N'allez-vous pas un peu

trop vite? Et puis-je vous demander à mon tour

comment vous êtes si bien renseigné ?

— Parce que la lettre qu'Isabelle de Saint-Auréol écrivait à son amant ce jour-là, ce n'est pas lui qui l'a reçue ; c'est moi.

Décidément il fallait compter avec moi ; l'abbé à ce moment aperçut une petite tache sur la manche de sa soutane et commença de la gratter du bout de l'ongle j il entrait en composition.

— J'admire ceci.... que dès qu'on se croit né romancier on s'accorde aussitôt tous les droits. Un autre y regar- derait à deux fois avant de prendre connaissance d'une lettre qui ne lui est pas adressée.

— J'espère plutôt. Monsieur l'abbé, qu'il n'en pren- drait pas connaissance du tout.

Je le considérais fixement ; mais il grattait toujours, les yeux baissés.

— Je ne suppose pourtant pas qu'on vous l'ait donnée à lire.

— Cette lettre est tombée dans mes mains par hasard; l'enveloppe, vieille, sale, à demi déchirée, ne portait aucune trace d'écriture ; en l'ouvrant j'ai vu une lettre de Mademoiselle de Saint-Auréol; mais adressée à qui?... Allons ! Monsieur l'abbé, secondez-moi : qui était, il y a quatorze ans, l'amant de Mademoiselle de Saint-Auréol ?

L'abbé s'était levé ; il commença de marcher à petits

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