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ISABELLE 297

chaque rayon rappelait son regard, son sourire mélan- colique, et comme encore j'ignorais l'amour, je me figurais que j'aimais et, tout heureux d'être amoureux, m'écoutais avec complaisance.

Que le parc était beau ! et qu'il s'apprêtait noblement à la mélancolie de cette saison déclinante. J'y respirais avec enivrement l'odeur des mousses et des feuilles pourrissantes. Les grands marronniers roux, à demi dépouillés déjà, ployaient leurs branches jusqu'à terre ; certains buissons pourprés rutilaient à travers l'averse ; l'herbe, auprès d'eux, prenait une verdeur aiguë ; il y avait quelques colchiques dans les pelouses du jardin ; un peu plus bas dans le vallon, une prairie en était rose, que l'on apercevait de la carrière où, quand la pluie cessait, j'allais m'asseoir sur cette même pierre où je m'étais assis le premier jour avec Casimir ; où, rêveuse, Mademoiselle de Saint-Auréol s'était assise naguère, peut-être ; et je m'imaginais assis prés d'elle...

Casimir m'accompagnait souvent, mais je préférais mar- cher seul. Et presque chaque jour la pluie me surprenait dans le jardin ; trempé, je rentrais me sécher devant le feu de la cuisine. Ni la cuisinière, ni Gratien ne m'aimaient; mes avances réitérées n'avaient pu leur arracher trois paro- les. Du chien non plus, caresses ou friandises n'avaient pu me faire un ami ; Terno passait presque toutes les heures du jour couché dans l'âtre vaste, et quand j'en approchais il grognait. Casimir que je retrouvais souvent, assis sur la margelle du foyer, épluchant des légumes ou lisant, y allait alors d'une tape, s'aflFectant que son chien ne m'accueillît pas en ami. Prenant le livre des mains de l'enfant je poursuivais à haute voix sa lecture ; lui, restait

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