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264 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

sait portraiturer au naturel l'œuvre entière d'un écrivain. Quelques traits lui suffisent pour cela, quelques phrases bourrées d'allusions qu'on a plai- sir à prendre au vol. On sent qu'il connaît à fond cette œuvre dont il parle, et qu'il l'embrasse tout entière d'un seul regard. Cela ne sent jamais le document, la collection de citations, la fiche. C'est un homme qui vous parle des bustes et des gra- vures qu'il a depuis vingt ans dans son cabinet. Cette connaissance intime d'un écrivain se formule souvent en une expression extrêmement heureuse: Thackeray, " le cercleux génial ", " le philistin artiste"; Richard Jefferies, "sorte de Bas-de-Cuir littéraire" ïzaac Walton, "le cockney en banlieue"; les personnages masculins de George Eliot, " des gouvernantes révoltées, " etc.

Mais ce qu'il y a d'important chez un critique, c'est avant tout, naturellement, son critérium. Quel était donc le critérium de W. E. Henley .? Il peut tenir dans cette question, dont les termes se trouvent chez lui à diverses reprises : " Quelque chose de vivant et d'humain a-t-il trouvé là son expression.? Et cette expression est-elle artistique .?" Il semble que c'est bien la formule selon laquelle nous jugeons tous, plus ou moins consciemment, les œuvres littéraires, et que c'est la seule formule qui corresponde au but même de l'art.

Chaque fois qu'il s'écarte de ce critérium et qu'il juge d'après une simple impression, il tombe dans

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