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l'exemple de racine 189

dresse, je sais bien ce que fût devenu Racine, s'il eût vécu en un temps comme celui-ci, où le lyrisme personnel a reconquis sa juste place, mais semble faire obstacle, chez trop de poètes puissants, à la création d'œuvres plus ambitieuses : un élé- giaque et rien de plus. Il eût accordé tout son souffle à l'élégie sensuelle de son amour. Elégiaque délicieux, ardent, profond, peut-être même psycho- logue, car son don de lucidité analytique eût fini par se découvrir... (mais ce don se fût-il si cruellement aiguisé à ne disséquer que Racine, au lieu d'une Phèdre, d'un Narcisse, d'une Roxane ? eût-il pénétré si avant, même dans la secret de l'amour ?) Racine eut le bonheur qu'au XVI P siècle la poésie lyrique personnelle fût tenue à la cour en maigre considération et que tout poète rêvât de consécration théâtrale. Avant même qu'il eût pu prendre conscience de son originalité lyrique, l'ambition le conduisit à s'oublier, à se dépasser, à cultiver d'autres dons que sa sensibilité particu- lière, à placer la fin de son art hors de soi-même. L'élégiaque né se voulut poète tragique — malgré sa voix.

Il pourra sembler étonnant, qu'élégiaque né s'efForçant au tragique. Racine, loin d'élire des héros nobles mais moyens, se soit plu à ne peindre que " des bêtes féroces " — le mot est de Brunetière, comme on sait. Je compte dans la ménagerie racinienne, un certain nombre de

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