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LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

ment, qu’il prise la beauté, — voilà ce que je ne puis me résoudre à mettre en doute. Mais que cette double faculté n’arrive à se faire jour dans sa phrase qu’au travers de tant d’ambages et de circonlocutions, — voilà qui me surprend et me chagrine. Quel espoir garderons-nous de voir une salutaire réaction s’opérer et que jamais s’élève le ton des dramaturges si, spontanément, le plus averti des critiques s’accorde au diapason de la production courante ^ Il y a là comme une petite trahison. Ecrire des articles brillants, diserts, érudits, ayant une valeur littéraire propre : ce n’est pas à nos yeux un assez grand mérite, un mérite assez rare. L’art de manier les pensées reste froid, si ces pensées ne viennent de plus loin que la tête. Il nous faut des jugements qui engagent le juge, qui le découvrent. Et si votre opinion ne vous est pas assez chère, assez intime, si vous l’estimez vous-même de trop peu de valeur, de poids et d’opportunité pour ne pouvoir l’avancer qu’avec cet air de prudence et de détachement, alors ne vous mêlez pas de l’écrire. Ou si vous en pensez plus long que vous n’en dites, votre réserve nous trompe…

Lors même que je me sens le plus séduit par le talent de M. Blum, je ne parviens pas à me mettre en confiance avec lui. La souplesse de son intelligence m’inquiète, parce qu’il l’appelle au secours de son adresse plus souvent encore qu’il