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L OMBRAGEUSE 145

" c'est qu'ils ne servent de rien, attendu que je ne me " propose aucun but qui réclame de moi l'exercice de

    • cette force à laquelle je me sacrifie.

" Au lieu de cet aveu brutal, j'aurais pu vous conter " quelque laborieux mensonge. J'ai préféré pour une fois " être sincère et sans détour. De savoir que je suis inex-

    • cusable, vous me haïrez plus vite, et le ressentiment

" d'une cruauté si gratuite ne laissera pas de vous aider à " réduire un penchant indignement récompensé. Je souf- " frirai, il est vrai, de votre haine, ce m'est une souffrance " profonde dès maintenant de vous écrire ce billet. Une " satisfaction absurde, inhumaine, malgré tout me récon- " forte. A l'intrépide rigueur avec laquelle je puis aussi " tailler à vif dans mon cœur, je vois bien que je ne serais " pas incapable de faire davantage s'il le fallait. Je n'ignore

    • pas, encore une fois, que je ne ferai jamais rien : il est

" impossible toutefois de se résigner à croire qu'on n'a pas " de rôle à remplir en ce monde. Jamais vous ne me par-

    • donnerez le coup que je vous porte aujourd'hui. Cette

" assurance dorénavant préviendra toute envie de me " rapprocher de vous. On doit savoir brûler ses vaisseaux,

    • et je ne me dissimule pas qu'avant de vous avoir oublliée,

" il me faudra longtemps lutter...

��Une lumière égale et blonde enveloppait la rue spa- cieuse, toute fraîche encore, quand Isabelle, deux heures plus tard, parut au seuil de l'hôtel. La matinée déjà s'animait. Un bruit léger de conversations et de rires se mêlait dans l'air vif à l'odeur d'eaux et de verdures que

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