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l'ombrageuse 119

paraître mon sentiment à cet égard ! Ah ! si vous aviez su ! Suppose que je l'aie aimé, au contraire, que ferais-je à présent ? Sans doute, je m'affolerais, je serais au déses- poir, anéantie, prête à n'importe quelle folie ! Je le détestais, heureusement : que me fait dès lors ce qui lui arrive ; je n'en suis ni touchée ni émue... Je ris seule- ment parce que l'aventure, après tout, ne vaut vraiment pas qu'on en pleure... " Et après un court silence : " Que ne donnerais-je pas, ajouta-t-elle à voix basse, comme se parlant à elle-même, que ne donnerais-je pas pour Tavoir en ce moment devant moi ? "

Un air de méchanceté si triomphante passait en même temps sur ses traits que Boboli ne put retenir un geste de révolte: " N'as-tu pas honte, fit-elle, de parler ainsi !'*

L'Ombrageuse ne parut pas l'avoir entendue. Elle s'était levée. Les yeux au loin : " Il n'oserait pas me regarder, poursuivit-elle. Je ne lui adresserais pas la parole. Je passerais simplement en le dévisageant et il baisserait la tête, car ce n'est qu'un lâche, un être falot et méprisable, je le sais maintenant. Le masque est tombé, on voit la grimace. " Et, se retournant vers Boboli : " Et ici, demanda-t-elle, qu'en pense-t-on ? L'anecdote a dû faire le tour de la ville. Que dit-on ? N'as-tu donc vu personne et est-ce là tout ce que tu sais... Parle, voyons ! Je trépigne d'impatience et tu demeures muette. " Puis, comme Boboli, interdite, ne se hâtait pas de répondre : " Ah ! tiens, ma petite ! tes soupirs m'excèdent et je vois bien qu'on ne saurait rien tirer de toi... Sortons plutôt... Depuis deux heures, que de choses peut-être se sont passées ! Dans la rue, aux Quinconces, nous aurons vite fait d'apprendre des nouvelles... Il me tarde d'en-

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