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2 8 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

les contrevents tirés, on n'entendait que le souffle régulier de Baptiste et de Rose.

L'enfant faisait tous ses efforts pour ne pas s'endormir. La nuit était épaisse, on eût dit que le ciel et la terre n'existaient pas, ou bien qu'ils étaient tout noirs. Il ouvrait les deux yeux pour mieux s'en apercevoir. Il se sentait à sa place. Dans son esprit, les tristes souvenirs de sa vie passée s'étendaient avec lenteur et prenaient cette importance qu'ont nos souvenirs quand nous sommes bien seuls. Dans sa poitrine, les mouve- ments, les rumeurs de sa vie présente garnissaient son cœur, puis, se répandant dans son corps, l'emplissaient tout entier d'une sorte de liquide amer. Il semblait qu'il fût tout noir, dans un monde tout noir. 11 ne s'endormait pas, pour se sentir malheureux plus longtemps. Et de sa tête, comme une fumée, de sombres pensées d'avenir montaient, qui parcouraient la chambre et s'y fixaient, comme s'il eût voulu entretenir l'obscu- rité, comme s'il eût voulu la rendre plus épaisse encore.

Et les jours suivants, alors que déjà il était à prévoir qu'il allait devenir un Charles Blanchard nouveau, il ne s'abandonna pas, comme on pour- rait le croire, à sa vie nouvelle.

On dit à un enfant ordinaire :

— Tu vas me râper une paire de sabots.

Il se précipite sur un jeu qu'il ne connaît pas

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