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UNE BELLE VUE 5O5

le coupable r Et pourquoi le prétendu coupable était-il si tardivement innocenté ?

M. Tourneur remit un peu les choses au point.

— Je n'ai rien à te pardonner, murmura-t-il, d'une voix douce et sourde... Tu ne pouvais pas agir autrement... Tu n'étais pas libre... Je ne t'en ai jamais voulu.

Et M. le curé, tout à fait d'aplomb, claironna triom- phalement, les bras au ciel :

— Loué soit le Seigneur qui a désigné ma maison pour abriter la réconciliation de deux bons chrétiens ! Je ne m'attendais guère, il y a un moment, à voir ces messieurs dans les bras l'un de l'autre ! Voilà un des plus beaux jours de ma vie ! Mais ce n'est pas faute de l'avoir appelé dans mes prières...

Il riait de bon coeur, cette fois, mais soudain il s'atten- drit, et déployant son mouchoir jaune large comme un drapeau, il se moucha longuement à grand bruit. Dans le mouvement qu'il fît, il démasqua la salle à manger. Mon père et M. Tourneur, face à face, pleuraient.

Ils pleuraient et il semblait qu'ils n'eussent pas autre chose à faire. Au bout de leur longue séparation, les paroles essentielles, une fois prononcées, ils ne trouvaient plus rien à se dire. Sans doute, ils en auraient eu trop long à dire et ne savaient par où commencer.

Comme pareille situation ne pouvait s'éterniser, ils se demandèrent enfin de leurs nouvelles. Ils n'étaient con- tents de leur santé ni l'un ni l'autre. De la part de mon père, cela n'avait rien que de normal. M. Tourneur se plaignit d'un vague malaise ; il ne se sentait pas dans son assiette depuis quelques jours. A ces confidences banales ils n'avaient décidément quoi que ce fût à ajouter.

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