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UNE BELLE VUE 503

Cette porte, évidemment, jouait un rôle capital dans les préoccupations de M. le curé, et aussi la cheminée prussienne. Ses yeux allaient sans cesse de l'une à l'autre, tandis que se traînait un languissant dialogue sur la pluie et le beau temps. Que se passait-il donc dans la salle à manger ? En tout cas, pour une canette de bière et deux verres que j'avais de prime abord aperçus dans le foyer, c'était bien du souci !

Il faut croire toutefois que la chose en valait la peine, car mon père, à la longue intrigué par le manège de son interlocuteur, resta court au milieu d'une phrase, lorsque son regard fut tombé sur le rafraîchissement. Il comprit si visiblement ce dont il retournait que M. le curé n'essaya point de mentir. Il rejeta de ses épaules le fardeau de dissimulation qui lui pesait, et se lança tête baissée dans la franchise.

— Autant tout vous dire, Monsieur Landry, bredouilla- t-il à mi-voix. Monsieur Tourneur, comme vous devez le savoir, a la bonté de venir de temps en temps faire à la cure sa partie de dominos... Il est là... dans la salle à manger... Si je m'étais douté qu'aujourd'hui... Mais cela ne tire pas à conséquence...

Et, voyant que mon père, le visage retourné, se levait :

— Etes-vous donc si pressé, monsieur Landry... Re- mettez-vous, je vous en conjure !.. Ici vous êtes tout à fait chez vous... Nous allons pouvoir causer maintenant.

Il n'insista pas davantage et demeura bouche bée à considérer son paroissien avec un ahurissement mêlé de quelque inquiétude. Il se demandait, et moi de même, ce que cachaient le silence et l'extraordinaire bouleversement de mon père. Il devait se livrer, dans l'esprit de ce

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