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UNE BELLE VUE 489

nul empressement à se montrer à Longval. Sans doute elles étaient tout aux préparatifs de la fameuse fête à laquelle nous ne voulions pas assister. Marguerite était ulcérée, et par la pensée que ses parents n'avaient pas été en l'occurrence traités comme ils auraient dû l'être, et par l'idée qu'elle ne figurerait pas dans la réception au rang privilégié dont elle s'était cru digne.

Rien ne rapproche autant que la communauté des peines. Marguerite s'avoua mon égale, quand le " beau jour " du douze fut arrivé.

La matinée avait été couverte. Mon père, consultant le baromètre avant de sortir, avait, paraît-il, déclaré :

— Nous aurons de la pluie cet après-midi.

Et Marguerite, témoin de ce propos, tenu probable- ment avec une arrière-pensée, s'était empressée de me le rapporter. Cette fois son rapportage ne tendait plus à m'ennuyer, mais à me faire partager l'aise dont elle se sentait remplie. Elle me confessa qu'elle avait beaucoup prié à l'intention d'obtenir le mauvais temps.

Eussé-je été vindicatif, l'idée ne me serait, je crois, jamais venue de demander au Ciel d'asseoir mon bonheur sur le malheur d'autrui. Mais, en matière de dévotion, j'avais beaucoup à apprendre de ma sœur, laquelle, prélu- dant aux pieux exercices du couvent, où elle se proposait d'entrer un jour, avait installé à Longval dans une chambre vacante une chapelle pour son usage particulier.

La Providence, à quoi je n'avais pas songé, témoigna toutefois d'une indifférence complète aux sollicitations de la future religieuse. A midi, les nuées se fendirent et se replièrent sur l'horizon ; la journée allait être idéale pour une réception à la campagne. C'est là qu'une créature de

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