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45^ LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

fussent entrés pour leur déclarer la guerre. Il y en avait un pour la mère et un pour l'enfant. Les chiens semblaient bien plutôt les pousser que les suivre. Ils leur obéissaient, ils parcouraient toute l'étendue de la cour, on les menait au maître qui, sur le seuil de la maison, clignait des yeux pour les mieux voir et qui, quand ils arrivaient à sa hauteur s'en allait, de crainte peut-être d'avoir à leur pardonner l'audace qu'ils avaient montrée en entrant chez lui.

C'est devant les femmes que s'expliquait Solan- ge. Elle était coiffée d'une capeline, elle la rabattait sur son visage en montant les marches qui menaient à la cuisine, puis, comme elle entrait, elle penchait la tête à droite et se mettait à pleurer. Elle ne pouvait rien dire. Les femmes n'étaient pas méchantes. Elles ne lui adressaient aucun reproche. Elles s'emparaient de son panier, pas- saient dans la pièce à côté, les laissaient seuls un moment, puis rapportaient le panier en disant :

— Est-ce que ça ne sera pas trop lourd pour vous, ma Solange ?

Ils revenaient pendant le reste de l'après-midi en portant leur panier. Il était quatre heures : le monde et la vie étaient ce qu'ils avaient été tout le jour, la marche était ce mouvement attentif qui vous prend tout entier, tout petit, sur des routes sans borne, la Nature était cette grande étendue dans laquelle on marche en portant un panier. Ils

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