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CHARLES BLANCHARD 447

pas à l'enfant qu'il fût seul, parce que les paroles de sa mère vivaient dans sa tête et entraînaient ses idées dans leur mouvement. Il les suivait et ne s'ennuyait pas. Il s'asseyait ; un peu plus tard elles retombaient un peu, mais il les ramassait, il les gardait, il les appuyait sur son cœur, elles lui faisaient du bien. Il les comprenait. Il pensait :

— Il ne faut pas que je sorte parce que j'attra- perais une fluxion de poitrine et je mourrais en six jours.

A neuf heures, la mère, ayant fini son premier ménage, revenait à la maison pour y manger son morceau de pain. Elle le mangeait très vite, puis elle partait pour aller faire le ménage de Monsieur Lhotte, le greffier de la justice de paix. Elle avait tout juste le temps de dire :

— As-tu été bien sage, mon petit ? Mange ton morceau de pain doucement, ça t'occupera.

Il mangeait son morceau de pain doucement. Il pensait en mangeant chacune de ses bouchées pour les faire durer plus longtemps. Sa mère était partie pour aller chez le greffier. Il savait que ce sont les chats qu'on appelle des greffiers. Il croyait que sa mère était allée faire le ménage d'un gros chat.

Cela durait bien jusqu'à neuf heures et demie ; parfois, dans ses bons jours, il en avait pour un peu plus longtemps, mais à dix heures au plus tard tout était usé de ce que sa mère lui avait laissé le matin. Il avait sur toutes choses des conceptions

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