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NOTES 531

soigneusement dépouillé les trois gros volumes de MM. Kobt et Elias, il déclare que nulle part ailleurs on ne saurait " obser- ver aussi nettement dans ses méthodes l'esprit d'un grand dramaturge ", et qu'il y a là un intérêt analogue à celui de comparer les premiers " quartos " de Roméo et Juliette et de Hamlet avec leurs versions définitives...

" Grâce aux manuscrits d'Ibsen nous pouvons véritablement suivre la croissance d'une idée dans son esprit ; distinguer ce qui est primitif et fondamental dans sa conception de ce qu'il y ajoute progressivement et par reflexion; nous pouvons le voir s'égarer en des chemins obscurs et revenir en arrière ; nous pouvons apprécier la sûreté impeccable du goût qui l'in- duit à consolider les points faibles de son édifice, comme à rejeter toute banalité en faveur de ce qui est rare et demeure inoubliable. Pas une fois, je pense, il ne lui arrive de supprimer une scène ou un trait qu'il aurait dû conserver, de modifier une expression si ce n'est pour l'améliorer. "

Voilà qui s'accorde mal avec la légende, trop accréditée chez nous, du métier barbare mis par Ibsen au service d'une pensée bégayante et obscure. Aussi bien, l'obscurité même répandue sur certaines situations et certains sentiments est-elle un effet de son art, le résultat d'une volonté et non l'indice d'une impuissance. Nous n'en pouvons plus douter depuis que M. Prozor a publié telle scène inédite de Hedda Gabier où paraissent, sur les mobiles de l'action, des éclaircissements et des explications que l'auteur crut devoir sacrifier à la vérité, à l'émotion dramatiques. C'est, sans doute, ce qu'on fera difficile- ment comprendre à des Français entêtés d'une conception quasi-didactique du théâtre.

Sur les productions de la première période, sur Les Re- venants et sur Solness le Constructeur peu de renseignements nous sont parvenus. Mais de plusieurs drames les papiers posthumes renferment des versions complètes et cohérentes qui souffriraient presque d'être représentées. Elles sont, nous dit M. Archer " comme les pièces achevées d'un dramaturge inférieur." Renseignement inestimable. Il nous invite à nous rappeler, pour l'appliquer à l'oeuvre d'Ibsen, ce qu'on disait

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