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290 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

II

Bon papa Aubineau se trouvait indisposé depuis quel- ques jours, mais rien, hormis son âge avancé, ne faisait présumer un dénoûment aussi brusque.

Je fus, je l'avoue, beaucoup plus affecté par le spec- tacle du chagrin maternel que par l'événement qui me vêtait de noir. Mon grand-père s'était toujours montré trop personnel, trop sec, trop raisonneur, pour tenir une place bien considérable dans mes affections ; comme il ne semblait tenir aucunement à ce qu'on l'aimât, on n'était guère encouragé à se mettre avec lui en frais de ten- dresse. L'idée de la mort pénètre d'ailleurs difficilement dans la cervelle des enfants, et je m'attachai surtout aux circonstances accessoires, immédiatement intelligibles. La balance entre les motifs de regret et ceux de consolation m'apparut d'une inégalité flagrante, lorsque j'eus appris que le décès de bon papa faisait de nous les maîtres de Longval.

Au sortir de Charlemont, passés les faubourgs indus- triels, si l'on remonte la rive droite de la Sienne, de nombreuses maisons de campagne se découvrent éche- lonnées sur le coteau que domine le clocher du village de Saint-Clair. Parmi ces propriétés, Longval, l'une des plus importantes et incontestablement la plus belle, comp- tait à mes yeux pour l'une des merveilles de l'univers.

Voici, le long du quai, la grille aux barreaux en fer de lance, flanquée par les deux pavillons de la conciergerie. Elle précède un escalier à double révolution, lequel encadre une rocaille oii l'eau s'égoutte à la pointe vis-

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