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LES " CAHIERS " DE CHARLES PEGUY 273

Péguy ne détruit pas l'échafaudage ; mais il le peuple, il l'anime, il bâtit peu à peu son Cahier devant nous. S'il va répétant tels mots ou telles phrases, presque sans variantes, et jusqu'à satiété ; s'il accumule des termes synonymes ; s'il accroche à un seul nom tout un cortège d'épithètes non graduées, ce n'est pas artifice visant à l'ampleur et à la grandiloquence, mais application à ne nous celer rien de ses reprises, de ses corrections, de ses découvertes successives. Nous avons le premier jet ; nous avons toutes les retouches ; et tout cela, pris ensemble, compose l'expression définitive. Est-elle lente à venir, nous marquons longtemps le pas ; les parenthèses se succèdent, les incidentes s'enchevêtrent ; et, sans repos, les saccades des points et virgules prolongent notre essoufflement jusqu'à la fin d'un paragraphe de dix pages.

Que ne puis-je, en guise d'exemple, citer ici tout au long ce long Cahier prestigieux, si raisonnable et si fou, ce Cahier le plus Cahier, du 6 octobre 1907, qui s'intitule : De la situation faite au parti intellectuel dans le monde moderne devant les accidents de la gloire temporelle !... Je le résumerai tant bien que mal. C'est une suite : onze mois auparavant il nous a été parlé de l'histoire et de la sociologie dans les temps modernes^ et principalement de Renan. Nous débutons donc in médias res. Et voici venir:

— Les pièges tendus, dès l'entrée delà carrière, au jeune intellectuel. Les pièges grossiers de l'arrivisme

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