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-J44 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

tous accablés à un instant de notre vie, lorsqu'il nous apparaît que nos parents ne sont pas des demi-dieux. Nous nous rappe- lons notre étonnement parce que notre mère se confessait : quels péchés pouvait-elle commettre ? La grâce du père voleur de Silbermann que l'enfant huguenot ne peut obtenir de son père, elle est accordée le jour qu'un député influent se mêle de l'exiger.

Nous avons loué M. Jacques de Lacretelle d'avoir su peindre un juif et non le Juif: et c'est pourquoi nous regrettons cette dernière vision de Silbermann, ce sermon sur les fortifications, où cet effrayant Eliacin prophétise, s'enfle, et s'enlève presque dans un ciel de Gustave Doré. Si l'auteur n'avait su d'abord nous le peindre si vivant, il risquait ici de le muer en une entité. Non, ce Silbermann n'est pas tous les juifs. Il ne rap- pelle rien, ou presque rien du merveilleux Henri Franck qu'à vingt ans nous avons vu danser devant l'Arche, rien non plus de ces nobles israélites portugais dont la tribu était absente de Jérusalem quand le Christ y mourut et qui, à Bordeaux, dans d'admirables demeures construites par Gabriel et par Louis, nous font admirer les portraits de leurs ancêtres, contemporains de Samuel Bernard.

Et de même les jeunes bourgeois catholiques de l'école Saint-François-Xavier que M. de Lacretelle nous montre si bru- taux, si peu intelligents, nous ne nierons pas qu'il en existe beaucoup de cette sorte ; mais dans ce tryptique où un juif per- sécuté souffre entre un huguenot compatissant et des catho- liques injurieux, il ne faudrait pas non plus élever ceux-ci à la dignité de « tvpe ». L'un d'eux eût aussi bien pu éprouver que son camarade protestant, de la ferveur, et la question juive, alors, même en ces années proches de l'Affaire, se fût offerte à lui moins simplement. Il faut relire, après Silbermann, la Relève du matin où M. de Montherlant médite sur ce qu'il appelle « le grand mystère collégien ». Parmi tant de «François-Xavier» forcenés et cruels, il nous aurait plu de discerner l'une au moins de ces figures inquiètes, scrupuleuses, d'enfants dont nous nous souvenons.

Ce court récit d'un art si simple, si pur, d'un style parfois un peu lâche, restitue à l'être humain tout ce dont le dépouillent quelques-uns de nos camarades en leurs ouvrages d'ailleurs

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