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CHRONIQUE DRAMATIQUE 459

difficile. Je ne suis pas non plus aveugle sur mes contradictions. Dieu sait si je me moque d'être Français plutôt que n'importe quoi d'autre. Je me le dis souvent : je suis né ici, j'aurais pu naître ailleurs.. L'un ou l'autre, je ne vois pas qu'il y ait de quoi en être spécialement fier. C'est l'homme qui compte, non pas le citoven. Je comprends qu'on soit fier, à la rigueur, de ce qu'on a choisi, voulu. Mais ai-je choisi d'être Français, Fai-je voulu ? Alors ?. .. Autant être fier d'être brun plutôt que blond, ou blond plutôt que brun. Il v a peut-être quelque part des sauvages qui me plairaient beaucoup, avec lesquels je m'entendrais fort bien, et je rencontre à chaque instant des Français qui me font hor- reur. N'empêche que j'ai un goût médiocre pour les étrangers. J'aime bien chacun chez soi, tout comme j'aime bien, dans ma vie habituelle, rester chez moi sans aller chez personne et que les autres restent également chez eux sansvenir chez moi. Que voulez-vous ? Je suis né rue Molière, à Paris. Je n'ai jamais quitté Paris. Je suis habitué à son paysage, à son langage, à ses mœurs, à ses habitudes. Cela m'agace déjà d'entendre des Fran- çais du midi avec leur accent, ou des gens du nord avec le leur. Il m'est arrivé une fois de me trouver en conversation avec un poète, M. Touny Lérys, qui est d'un pays du côté de Gaillac, dans le Tarn. C'est pourtant en France. Eh ! bien, ce monsieur parle avec un tel accent, il prononce les motsde façon si bizarre, que je me trouvai obligé de lui demander quelle langue c'était qu'il parlait là. Je ne comprenais pas un traître mot. Le plus drôle, c'est qu'il m'avoua, de son côté, son étonnement qu'on pût parler le français comme je le parle. C'était pour lui également incom- préhensible. Il me parlait du Camp des Romains. Je lui disais : « Où diable avez-vous pris le besoin de prononcer le Cainp des Romaingnes ? » « Mais pas du tout, me répliqua-t-il. C'est vous qui parlez mal. Je parle le vrai français. » Pour lui, Romains, cela ne voulait rien dire. Romaingnes, à la bonne heure! Moi, j'avoue que l'idée de prononcer Romains Romaingnes et tout le reste à l'avenant, me fait l'effet d'une langue de sauvage. Je pré- férai, ce jour-là, quitter la conversation. Je dis à M. Tounv Lérys : « Je vous demande mille pardons. J'ai peu de capacités pour les langues étrangères. Il me faudrait un lexique ou un interprète. Comme je n'ai ni l'un ni l'autre, j'aime mieux ne pas continuer. » C'est pour dire que si certains accents de pro-

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