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SI LE GRAIN \E MEURT... 823

tout près de la grande table de mon père sur laquelle j'étais juché, les jambes ballantes, un peu gêné par ses propos et d'être assis plus haut que lui. A l'autre extré- mité de la pièce, ma tante et ma mère travaillaient un grabuce ou un bczi£:ue avec Anna qui était venue dîner ce soir-là. Albert parlait à demi-voix, de manière à n'être pas entendu par ces dames ; après qu'il eût achevé de parler, je pris sa grosse main dans les miennes et demeurai sans rien dire, assurément plus ému par la beauté de son cœur que convaincu par ses raisons. Du moins devais-je me rappeler ses paroles, plus tard, lorsque je fus mieux éduqué pour les comprendre. Et pourtant je ne suis pas sûr, aujourd'hui, de lui donner pleinement raison.

L'idée de déménager m'exaltait immensément et l'amusement que jeme prom.ettaisde la mise en place des meubles ; mais ce déménagement s'effectua sans moi. A notre retour de Cannes, maman m'avait mis en pension chez un nouveau professeur ; ce dont elle espérait plus de profit pour moi, plus de tranquillité pour elle.

M. Richard, à qui je fus confié, avait eu le bon goût de se loger à Auteuil ; et peut-être maman m'avait-elle confié à lui, précisément parce qu'il habitait Auteuil. Il occupait, dans la rue Raynouard, au n^ 12 je crois, une maison vieillotte à deux étages, flanquée d'un jar- din pas très grand mais qui formait terrasse et d'où l'on dominait la moitié de Paris. Tout cela existe encore ; pour peu d'années sans doute, car le temps est loin où une modeste famille de professeur choisissait la rue Raynouard pour des raisons d'économie. M. Richard ne

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