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996 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

chez lui. Je n'ai jamais voulu y aller. Mettons que ce soit de ma part pure sauvagerie...

Je hausse les épaules.

Comme les êtres incomparables sont agaçants. Je sais qu'Aurore ira chez Montjoye. Elle a envie d'y aller. Elle ira conune elle va partout, quand on l'invite. Comme elle reste en ville en y célébrant les forêts, comme elle dîne au Carlton en proclamant qu'elle aime cuire ses aUments entre deux pierres ; comme elle va nue, par sno- bisme et timidité, comme elle dit avoir introduit de l'ordre dans sa vie qui n'est qu'incohérence, maladresse et confusion. A quoi servent ces discipHnes si c'est pour aboutir à l'existence absurde et éphémère de ces femmes qu'on rencontre sur les paquebots, dans les halls d'hôtel, dans les représentations à bénéfice, et qui, elles au moins, ont le mérite de la naïveté, ou du vice, ou de la bêtise ?

Je sais, pour y avoir été souvent, que les soirées de Montjoye ne sont pas faites pour Aurore, ni pour aucune femme à qui l'on tiendrait. Mais il faut qu'elle y aille ; elle apprendra par elle-même qu'il li'y a pas que des buffles, mais des mufles.

— J'ai un taxi, dit Fred. Je vous jette.

Montjoye nous ouvre lui-même. Sa masse se détache sur une tenture d'antichambre jaune. Il ouvre avec un mélange de curiosité et d'effroi, comme dans la peur de voir punir d'une gifle l'intérêt qu'il vous porte. Il ne regarde qu'Aurore, nous néglige, Fred et moi, et accueille notre amie avec familiarité :

— Aurore ! enfin chez moi.

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