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Camargo.

Vous croyez ? — Relevez ce rideau. — Viens t’asseoir
Près de moi. — Penses-tu, toi, que, pour une femme,
C’est un malheur d’aimer, — dans le fond de ton âme ?

Lætitia.

Un malheur, quand on est riche !

L’abbé, dans la rue.

Un malheur, quand on est riche !Hum !

Camargo.

Un malheur, quand on est riche ! Hum !N’entends-tu pas
Qu’on a toussé ? — Pourtant ce n’était point son pas.

Lætitia.

Madame, c’est sa voix. — Je vais ouvrir la porte.

Camargo.

Versez-moi ce flacon sur l’épaule.

La Camargo reste un moment seule, en silence. Lætitia rentre, accompagnée de l’abbé sous le manteau du Garuci, puis se retire aussitôt. Le coin du manteau accroche en passant la lampe et la renverse.
L’abbé, se jetant à son cou.

Versez-moi ce flacon sur l’épaule.Oh !

La Camargo est assise ; elle se lève et va à son alcôve. L’abbé la suit dans l’obscurité. Elle se retourne et lui tend la main ; il la saisit.
Camargo.

Versez-moi ce flacon sur l’épaule.Oh !Main-forte !
Au secours ! ce n’est pas lui !

Tous deux restent immobiles un instant.
L’abbé.

Au secours ! ce n’est pas lui !Madame, en pensant… —

Camargo.

Au guet ! — Mais quel est donc cet homme ?

L’abbé, lui mettant son mouchoir sur la bouche.

Au guet ! — Mais quel est donc cet homme ?Ah ! tête et sang !