Page:Musset - Premières Poésies Charpentier 1863.djvu/346

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dont chacun vient parler, et que nul ne comprend ;
Si vaste et si puissant qu’il n’est pas de poète
Qui ne l’ait soulevé dans son cœur et sa tête,
Et pour l’avoir tenté ne soit resté plus grand.


XXXIX


Insensé que je suis ! que fais-je ici moi-même ?
Était-ce donc mon tour de leur parler de toi,
Grande ombre, et d’où viens-tu pour tomber jusqu’à moi ?
C’est qu’avec leurs horreurs, leur doute et leur blasphème,
Pas un d’eux ne t’aimait, don Juan ; et moi, je t’aime
Comme le vieux Blondel aimait son pauvre roi.


XL


Oh ! qui me jettera sur ton coursier rapide,
Oh ! qui me prêtera le manteau voyageur[1],
Pour te suivre en pleurant, candide corrupteur !
Qui me déroulera cette liste homicide,
Cette liste d’amour si remplie et si vide,
Et que ta main peuplait des oublis de ton cœur !


XLI


Trois mille noms charmants ! Trois mille noms de femme !
Pas un qu’avec des pleurs tu n’aies balbutié !
Et ce foyer d’amour qui dévorait ton âme,
Qui lorsque tu mourus, de tes veines de flamme
Remonta dans le ciel comme un ange oublié,
De ces trois mille amours pas un qui l’ait noyé !

  1. Méphistophélès et Faust voyagent dans un manteau magique. — Voyez Faust Ire partie.