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XXXV


Que direz-vous alors ? Ah ! vous croirez peut-être
Que le monde a blessé ce cœur vaste et hautain,
Que c’est quelque Lara qui se sent méconnaître,
Que l’homme a mal jugé, qui sait ce qu’il peut être,
Et qui, s’apercevant qu’il le serait en vain,
Rend haine contre haine et dédain pour dédain.


XXXVI


Eh bien ! vous vous trompez. — Jamais personne au monde
N’a pensé moins que lui qu’il était oublié.
Jamais il n’a frappé sans qu’on ne lui réponde ;
Jamais il n’a senti l’inconstance de l’onde,
Et jamais il n’a vu se dresser sous son pied
Le vivace serpent de la fausse amitié.


XXXVII


Que dis-je ? tel qu’il est, le monde l’aime encore ;
Il n’a perdu chez lui ni ses biens ni son rang.
Devant Dieu, devant tous, il s’assoit à son banc.
Ce qu’il a fait de mal, personne ne l’ignore ;
On connaît son génie, on l’admire, on l’honore.
Seulement, voyez-vous, cet homme, c’est don Juan.


XXXVIII


Oui, don Juan. Le voilà, ce nom que tout répète,
Ce nom mystérieux que tout l’univers prend,