Page:Musset - Premières Poésies Charpentier 1863.djvu/278

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’est un mari, je crois, que l’on veut nous donner.
Quelle drôle de chose ! Ah ! j’en ai peur d’avance.
Quelle robe mettrai-je ?

(Elle se couche.)

Quelle robe mettrai-je ?Une robe d’été ?
Non, d’hiver ; cela donne un air plus convenable.
Non, d’été ; c’est plus jeune et c’est moins apprêté.
On le mettra sans doute entre nous deux à table.
Ma sœur lui plaira mieux. — Bah ! nous verrons toujours.
— Des éperons d’argent ! — un manteau de velours !
Mon Dieu ! comme il fait chaud pour une nuit d’automne.
Il faut dormir, pourtant. — N’entends-je pas du bruit ?
C’est Flora qui revient ; — non, non, ce n’est personne.
Tra la, tra deri da. — Qu’on est bien dans son lit !
Ma tante était bien laide avec ses vieux panaches,
Hier soir à souper. — Comme mon bras est blanc !
Tra deri da. — Mes yeux se ferment. — Des moustaches…
Il la prend, il l’embrasse et se sauve en courant.

(Elle s’assoupit. — On entend par la fenêtre le bruit d’une guitare
et une voix.)

Est-ce— Ninon, Ninon, que fais-tu de la vie ?
Est-ceL’heure s’enfuit, le jour succède au jour.
Est-ceComRose ce soir, demain flétrie.
Est-ceComment vis-tu, toi qui n’a pas d’amour ?

Ninon, s’éveillant.

Est-ce un rêve ? J’ai cru qu’on chantait dans la cour ?

La Voix, au dehors.

Est-ce un Regarde-toi, la jeune fille.
Est-ce un Ton cœur bat et ton œil pétille.
Aujourd’hui le printemps, Ninon, demain l’hiver.
Quoi ! tu n’as pas d’étoile, et tu vas sur la mer !
Au combat sans musique, en voyage sans livre !
Quoi ! tu n’as pas d’amour, et tu parles de vivre !