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Un certain jour surtout qu’il brûla sa maison.
Je n’en ai jamais su, quant à moi, la raison.

L’OFFICIER.

Si Charle eut des défauts, ne troublons pas sa cendre.
Sont-ce de tels témoins qu’il nous convient d’entendre ?
Soldats, Frank se sentait une autre mission.
Qui jamais s’est montré plus vif dans l’action,
Plus fort dans le conseil ? — Qui jamais mieux que Charle
Prouva son éloquence à l’heure où le bras parle ?
Vous le savez, soldats, j’ai combattu sous lui ;
Je puis dire à mon tour : Moi, j’en étais aussi.
Une ardeur sans égale, un courage indomptable,
Un homme encor meilleur qu’il n’était redoutable,
Une âme de héros, — voilà ce que j’ai vu.

FRANK.

Vous vous trompez, monsieur, vous l’avez mal connu.
Frank n’a jamais été qu’un coureur d’aventure,
Qu’un fou, risquant sa vie et celle des soldats,
Pour briguer des honneurs qu’il ne méritait pas.
Né sans titres, sans bien, parti d’une masure,
Il faisait au combat ce qu’on fait aux brelans,
Il jouait tout ou rien, — la mort ou la fortune.
Ces gens-là bravent tout, — l’espèce en est commune ;
Ils inondent les ports, l’armée et les couvents.
Croyez-vous que ce Frank valût sa renommée ?
Qu’il respectât les lois ? qu’il aimât l’empereur ?
Il a vécu huit jours, avant d’être à l’armée,
Avec la Belcolor, comme un entremetteur.
Est-il ici quelqu’un qui dise le contraire ?

LES SOLDATS.

Ma foi ! depuis le jour qu’il a quitté son père,
C’est vrai que ledit Frank a fait plus d’un métier.
Nous la connaissons bien, nous, Monna Belcolore.