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Mais surtout dans ses chants, — que sa voix triste et pure
A des sons pénétrants qu’on ne peut oublier.
Mais, à compter du jour où mourut son vieux père,
Quoi qu’on fît pour l’entendre, il n’a jamais chanté.

D’où la connaissait-il ? ou quel secret mystère
Tient sur cet étranger son regard arrêté ?
Quel souvenir ainsi les met d’intelligence ?
S’il la connaît, pourquoi ce bizarre silence ?
S’il ne la connaît pas, pourquoi cette rougeur ?
On ne sait. — Mais son œil rencontra l’œil timide
De la vierge tremblante, et le sien plus rapide
Sembla comme une flèche aller chercher le cœur.
Ce ne fut qu’un éclair. L’invisible étincelle
Avait jailli de l’âme, et Dieu seul l’avait vu !
Alors, baissant la tête, il s’avança vers elle,
Et lui dit : « M’aimes-tu, Georgette, m’aimes-tu ? »


II


Tandis que le soleil s’abaisse à l’horizon,
Tiburce semble attendre, au seuil de sa maison,
L’heure où dans l’Océan l’astre va disparaître.
À travers les vitraux de la sombre fenêtre,
Les dernières lueurs d’un beau jour qui s’enfuit
Percent encor de loin le voile de la nuit.

Deux puissants destructeurs ont marqué leur présence
Dans le manoir désert du pauvre étudiant :
Le temps et le malheur. — Tu gardes le silence,
Vieux séjour des guerriers, autrefois si bruyant !