Page:Musset - Premières Poésies Charpentier 1863.djvu/161

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Chose si peu coûteuse et si simple à présent,
Et qu’à tous les piliers on voit à chaque instant.
Ah ! povero, ohimè ! — Qu’a pensé le beau sexe ?
On dit, maîtres, on dit qu’alors votre sourcil,
En voyant cette lune, et ce point sur cet i,
Prit l’effroyable aspect d’un accent circonflexe !

Et vous, libres penseurs, dont le sobre dîner
Est un conseil d’État, — immortels journalistes !
Vous qui voyez encor, sur vos antiques listes,
Errer de loin en loin le nom d’un abonné !
Savez-vous le Pater, et les péchés des autres
Ont-ils grâce à vos yeux, quand vous comptez les vôtres ?
— Ô vieux sir John Falstaff ! quel rire eût soulevé
Ton large et joyeux corps, gonflé de vin d’Espagne,
En voyant ces buveurs, troublés par le Champagne,
Pour tuer une mouche apporter un pavé !

Salut, jeunes champions d’une cause un peu vieille,
Classiques bien rasés, à la face vermeille,
Romantiques barbus, aux visages blêmis !
Vous qui des Grecs défunts balayez le rivage,
Ou d’un poignard sanglant fouillez le moyen âge,
Salut ! — J’ai combattu dans vos camps ennemis.
Par cent coups meurtriers devenu respectable,
Vétéran, je m’assois sur mon tambour crevé.
Racine, rencontrant Shakspeare sur ma table,
S’endort près de Boileau, qui leur a pardonné.

Mais toi, moral troupeau, dont la docte cervelle
S’est séchée en silence aux leçons de Thénard,
Enfants régénérés d’une mère immortelle,
Qui savez parler vers, prose, et naïf dans l’art,