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La Résignation marche à pas languissants.
La souffrance est ma sœur, — oui, voilà la statue
Que je devais trouver sur ma tombe étendue,
Dormant d’un doux sommeil tandis que j’y descends.
Oh ! ne t’éveille pas ! ta vie est à la terre,
Mais ton sommeil est pur, — ton sommeil est à Dieu !
Laisse-moi le baiser sur ta longue paupière ;
C’est à lui, pauvre enfant, que je veux dire adieu ;
Lui qui n’a pas vendu sa robe d’innocence,
Lui que je puis aimer, et n’ai point acheté ;
Lui qui se croit encore aux jours de ton enfance,
Lui qui rêve ! — et qui n’a de toi que la beauté.

Ô mon Dieu ! n’est-ce pas une forme angélique
Qui flotte mollement sous ce rideau léger ?
S’il est vrai que l’amour, ce cygne passager,
N’ait besoin pour dorer son chant mélancolique,
Que des contours divins de la réalité,
Et de ce qui voltige autour de la beauté ;
S’il est vrai qu’ici-bas on le trompe sans cesse,
Et que lui qui le sait, de peur de se guérir,
Doive éternellement ne prendre à sa maîtresse
Que les illusions qu’il lui faut pour souffrir ;
Qu’ai-je à chercher ailleurs ? la jeunesse et la vie
Ne sont-elles pas là dans toute leur fraîcheur ?
Amour ! tu peux venir. Que t’importe Marie ?
Pendant que sur sa tige elle est épanouie,
Si tu n’es qu’un parfum, sors de ta triste fleur !

Lentement, doucement, à côté de Marie,
Les yeux sur ses yeux bleus, leur fraîche haleine unie,
Rolla s’était couché : son regard assoupi
Flottait, puis remontait, puis mourait malgré lui.