la déterminer à me parler à cœur ouvert, la lettre qu’elle m’avait montrée était, disait-elle, le seul motif de sa mélancolie, et elle me priait qu’il n’en fût plus question. Ainsi réduit moi-même à me taire comme elle, je cherchais vainement à deviner ce qui se passait dans son cœur. Le tête-à-tête nous pesait à tous deux et nous allions au spectacle tous les soirs. Là, assis l’un près de l’autre dans le fond d’une loge, nous nous serrions quelquefois la main ; de temps en temps un beau morceau de musique, un mot qui nous frappait, nous faisait échanger des regards amis ; mais, pour aller comme pour revenir nous restions muets, plongés dans nos pensées. Vingt fois par jour, je me sentais prêt à me jeter à ses pieds, et à lui demander comme une grâce de me donner le coup de la mort ou de me rendre le bonheur que j’avais entrevu ; vingt fois, au moment de le faire, je voyais ses traits s’altérer ; elle se levait et me
Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, vol. II, 1836.djvu/208
Cette page n’a pas encore été corrigée
![](http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/a/ac/Musset_-_La_Confession_d%E2%80%99un_enfant_du_si%C3%A8cle%2C_vol._II%2C_1836.djvu/page208-1024px-Musset_-_La_Confession_d%E2%80%99un_enfant_du_si%C3%A8cle%2C_vol._II%2C_1836.djvu.jpg)