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pour les broussailles. Elle marchait devant moi dans le sable, avec un pas déterminé et un mélange si charmant de délicatesse féminine et de témérité enfantine que je m’arrêtais pour la regarder à chaque instant. Il semblait, une fois lancée, qu’elle eût à accomplir une tâche difficile, mais sacrée ; elle allait devant comme un soldat, les bras ballants, et chantant à tue-tête ; tout d’un coup elle se retournait, venait à moi et m’embrassait. C’était pour aller ; au retour, elle s’appuyait sur mon bras : alors plus de chanson ; c’étaient des confidences, de tendres propos à voix basse, quoique nous fussions tous deux seuls à plus de deux lieues à la ronde. Je ne me souviens pas d’un seul mot, échangé durant le retour, qui ne fût pas d’amour ou d’amitié.

Un soir, nous avions pris, pour gagner la roche, un chemin de notre invention, c’est-à-dire que nous avions été à travers les bois