Page:Musset - Biographie d’Alfred de Musset, sa vie et ses œuvres.djvu/9

Cette page a été validée par deux contributeurs.

lui a donné sa part de chagrin, et c’est ainsi que les envieux eux-mêmes agissent contrairement au but qu’ils se proposent, en rendant aux poètes la gloire plus coûteuse et plus difficile.

S’il fût né dans le siècle de Louis XIV, Alfred de Musset eût été de la cour, admis dans l’intimité du roi ; il aurait eu tous les privilèges réservés alors à la noblesse et au génie : quelque charge importante et les entrées, comme Racine. Les distinctions de ce genre ne l’auraient pas trouvé indifférent. Avec le caractère le plus indépendant, il se serait plié aux exigences de l’étiquette ; il aurait pris une part active aux plaisirs délicats du seul souverain qui ait jamais connu le grand art de grouper autour de soi tous les talents et de les absorber au profit de sa gloire. Homme du monde par excellence, il serait devenu un véritable grand seigneur. L’amitié du prince de Condé, la compagnie de Molière et de Despréaux l’auraient encore plus charmé que les honneurs. Il eût vécu bien plus heureux. En serait-il plus grand aujourd’hui ? aurait-il laissé dans un siècle où la vie lui eût été si facile la trace profonde