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donner sa voix, disait, dans le jardin du Palais-Royal, à l’éditeur Charpentier : « Ce pauvre Alfred, c’est un aimable garçon et un homme du monde charmant ; mais, entre nous, il n’a jamais su et ne saura jamais faire un vers. »

M. Fortoul était alors ministre de l’instruction publique. Il eut l’envie de faire quelque bien à notre poète, lui témoigna beaucoup de considération et l’invita plusieurs fois à dîner, presque en famille[1]. Un soir, le ministre exprima le désir de fournir lui-même au poète un sujet à traiter en vers. Alfred de Musset n’aimait pas les travaux de commande. Sa muse indépendante n’obéissait volontiers à l’appel de personne, et, le jour où il reçut cette ouverture, il revint du ministère un peu effrayé. Touché pourtant des bons procédés de M. Fortoul, il consentit à jeter les yeux sur divers projets entre lesquels on lui laissait la liberté de choisir. Il s’en trouva un qui lui plut. Sans prendre d’engagement, il mit dans sa poche une espèce de scenario, en promettant d’y réfléchir et de donner une prompte réponse, s’il lui convenait de traiter ce sujet. À la visite suivante, il rapporta le poème presque achevé. C’était le Songe d’Auguste. Le ministre en fut si satisfait qu’il en voulait faire une représentation solennelle pour quelque

  1. M. Fortoul, qui avait été un des collaborateurs de la Revue des Deux-Mondes, aimait sincèrement les écrivains de talent.
    P. M.