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donnait : « Le sort, disait-il, ne veut pas que notre pauvre France ait un seul jour d’avenir. Quant au mien, il n’existe plus. Je ne vois devant moi qu’ennui et tristesse ; je n’ai plus qu’à souhaiter de m’en aller le plus tôt possible. »

Je lui rappelais son culte de l’imprévu et le plaisir qu’il éprouvait souvent à se regarder vivre : « Nul ne sait, lui disais-je, ce que la destinée lui garde. La nature et le hasard sont inépuisables. » — À quoi il me répondait que cela était bon à dire autrefois ; mais qu’à présent l’inconnu n’avait plus rien à lui offrir, pas même d’autres ennuis et d’autres chagrins, lesquels seraient bien venus, s’il pouvait les ressentir, comme d’utiles dérivatifs, en vertu de la doctrine d’Hippocrate, qu’une inflammation en détruit une autre.

Lorsqu’on lui représenta que son amitié pour le prince royal lui faisait un devoir d’exprimer publiquement ses regrets, il rejeta bien loin l’idée de faire des vers sur un pareil sujet. M. Asseline, secrétaire de la duchesse d’Orléans, lui apporta la gravure du prince d’après le portrait d’Ingres. Alfred lui dit, en le priant de transmettre ses remerciements, qu’il parlerait à son tour, quand les pleureurs officiels auraient essuyé leurs yeux.

Ce fut dans le même temps que Tattet prit la résolution de quitter Paris et d’aller habiter Fontainebleau. Les motifs qui le décidèrent à rompre avec sa