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d’une sœur de Bon-Secours, pour veiller un malade indocile et plein de forces. Dix jours d’insomnie et des saignées à outrance ne firent que l’exaspérer. Dans un moment de rébellion, où nous ne savions plus que devenir, la marraine arriva. Elle trouva son filleul dans un transport de colère, assis sur son séant, et demandant à grands cris ses habits pour aller, disait-il, chercher du pain chez le boulanger, puisqu’on lui en refusait à la maison. D’abord, il ne voulut rien entendre ; mais peu à peu le sermon de la marraine l’apaisa. D’un geste impérieux elle lui commanda enfin de se coucher. Il ne résista pas, et, tout en grondant, demeura immobile sous la pression d’une petite main qui lui couvrait à peine la moitié du front. La princesse Belgiojoso, qui ne manque jamais une occasion de faire du bien, vint aussi plusieurs fois s’asseoir au chevet du malade, et lui présenter des potions qu’il n’osait refuser de la main d’une si grande dame. Un jour qu’il se sentait fort mal, la princesse lui dit avec une tranquillité parfaite : « Rassurez-vous, on ne meurt jamais en ma présence. » Il fit semblant de la croire par reconnaissance ; mais, quand elle lui avait promis de revenir le voir, c’était sérieusement qu’il disait : « Je ne mourrai pas ce jour-là. »

Sur le déclin de la maladie, je fus témoin d’un phénomène assez étrange. Nous étions assis, un matin, la sœur Marcelline et moi, près du lit de mon frère. Il paraissait calme et un peu abattu. Sa raison luttait