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pier, comme une relique précieuse. Souvent il m’a dit que jamais compliments, signes de distinction ni récompense ne l’avaient touché au cœur comme ce témoignage naïf d’admiration et de sympathie.

Dans le même temps, Alfred de Musset rencontra pour la première fois une personne qui a exercé sur sa vie une influence considérable et laissé dans son œuvre une empreinte profonde. C’était à un grand dîner offert aux rédacteurs de la Revue chez les Frères provençaux. Les convives étaient nombreux ; une seule femme se trouvait parmi eux. Alfred fut placé près d’elle à table. Elle l’engagea simplement et avec bonhomie à venir chez elle. Il y alla deux ou trois fois, à huit jours d’intervalle, et puis il y prit habitude et n’en bougea plus. Quelques amis intimes y venaient aussi assidûment que lui. De ce nombre était Gustave Planche. Ce personnage cynique, manquant absolument de tact et de savoir-vivre, avait usurpé une position qui le rendait fort incommode. Il se donnait des airs familiers, sans aucun droit à une pareille conduite ; il commandait en maître et affectait une aisance que la maîtresse de la maison supportait par faiblesse et par bonté, mais avec une impatience secrète, comme madame d’Épinay, dans ses rapports avec Duclos. Alfred, qui connaissait Planche, comme on sait, lui conseilla de prendre une tenue meilleure. Celui-ci feignit de ne pas comprendre ; il fallut lui dire clairement ce qu’on pensait