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baissée, lire cette lettre ; il en était aussi honteux que s’il eût été lui-même le coupable ; il essuya une larme sur sa joue, jeta la lettre au feu, et s’écria : Que la vanité et l’intérêt sont peu de chose ! mais qu’il est affreux de perdre un ami ! Si vous eussiez été là, Valentin, vous auriez fait serment de ne jamais tromper personne.

Madame Delaunay, en prononçant ces mots, laissa échapper quelques larmes. Valentin était assis près d’elle ; pour toute réponse, il l’attira à lui ; elle posa sa tête sur son épaule, et tirant de la poche de son tablier le mouchoir de la marquise :

— Il est bien beau, dit-elle ; la broderie en est fine : vous me le laisserez, n’est-ce pas ? La femme à qui il appartient ne s’apercevra pas qu’elle l’a perdu. Quand on a un mouchoir pareil, on en a bien d’autres. Je n’en ai, moi, qu’une douzaine, et ils ne sont pas merveilleux. Vous me rendrez le mien que vous avez emporté, et qui ne vous ferait pas honneur ; mais je garderai celui-ci.

— À quoi bon ? répondit Valentin. Vous ne vous en servirez pas.

— Si, mon ami ; il faut que je me console de l’avoir trouvé sur ce fauteuil, et il faut qu’il essuie mes larmes jusqu’à ce qu’elles aient cessé de couler.

— Que ce baiser les essuie ! s’écria le jeune homme. Et, prenant le mouchoir de madame de Parnes, il le jeta par la fenêtre.