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tout, à la maison, au palais, au Sénat, dans les rues, en mer, au combat ! Vous le portez au bout de votre épée ! Le nôtre, à nous, est au fond de notre âme. Tout ce que nous pouvons, c’est aimer ; tout ce que nous devons, c’est d’être fidèles. Je ne suis point femme, mais fiancée. Je n’ai point forfait a l’honneur ; j’ai craint de faillir à l’amour, et j’en ai pris Dieu pour témoin.

Michel.

Un amour indigne de toi !

Faustine.

Eh ! qu’en sais-tu ? Je ne t’ai pas dit que ce ne fût pas un patricien. Si j’ai commis une faute en ne vous consultant pas, est-ce une preuve que je ne sache pas choisir ? S’il ne m’est pas permis à présent de nommer celui qui est mon époux, de quel droit décides-tu qu’il est indigne de l’être ? Et, s’il m’est arrivé d’inspirer quelque amour, suis-je donc si laide, mon frère, qu’un de nos grands seigneurs ne puisse penser à moi ? Mais, d’ailleurs, noble ou roturier, n’y a-t-il pas la-bas, au fond de l’Adriatique, quelque endroit où, durant cette guerre, les privilèges s’effaçaient, où la mort oubliait les droits de la naissance ?

Michel.

C’est donc un soldat ?

Faustine.

Peut-être. Tu parlais d’une tache faite au Livre d’or ; si le sang versé pour la patrie peut en faire une, tu as raison.