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de madriers, de tout ce qu’exige une escalade, sans faire cependant aucune tentative qu’il n’eût reçu de nouveaux ordres. Mais, sur ce théâtre mobile, chaque heure a son incident, chaque heure amène sa combinaison. On annonce tout à coup que les Russes commencent à se montrer sur l’Inn. L’Empereur court à leur rencontre, et Murat prend le commandement de l’aile droite. Maître de deux des barrières du champ clos où se sont placés les Autrichiens, ce prince se persuade aussi que c’est sur l’Iller qu’il doit leur donner le coup de grâce, que c’est là qu’il doit les chercher. Le maréchal combat vainement cette opinion ; vainement il représente que l’archiduc s’est éloigné de Guntzbourg à la tête de dix régiments d’infanterie et de plusieurs corps de cavalerie ; que sans doute il s’est dirigé sur Ulm, où sont déjà 15.000 hommes accourus la veille de Schaffouse ; que tout démontre que ce sont nos communications qu’il veut atteindre ; que c’est par la rive gauche qu’il est résolu d’opérer. Murat refuse de croire qu’il ose l’entreprendre. Les marches, les maladies, le défaut de vivres ont réduit nos forces outre mesure. Il a pour instructions principales d’empêcher les Autrichiens de communiquer par leur droite avec les troupes adossées au Tyrol. Il veut réunir tout ce qu’il y a de disponible, pousser sur l’Iller et donner bataille.

« Ney juge la résolution imprudente : il la combat, la désapprouve ; une vive discussion s’établit entre eux. Tous deux sont égaux en grade, tous deux sont fiers, ardents. L’un supporte impatiemment d’être obligé d’obéir ; l’autre est décidé à faire exécuter ses ordres. Ils sont au moment de vider leur querelle par un combat singulier ; déjà la lettre de provocation est écrite ; mais au moment de l’expédier, Ney se rappelle qu’il est devant l’ennemi, et se résigne à ce qu’il ne peut empêcher. Il commande d’organiser un corps d’observation en avant d’Albeck, appelle Dupont et Baraguay-d’Hilliers sur la rive droite. Néanmoins, le mouvement lui paraît si grave, qu’il croit devoir signaler de nouveau au ministre les conséquences qu’il entraîne. Il lui expose à la fois les chances que présente l’action qu’on veut livrer, et le danger qu’il y a à abandonner aux Autrichiens les débouchés d’Ulm. Ils peuvent, dès que nous aurons passé le fleuve, se jeter brusquement sur nos derrières, saisir nos communications, et nous mettre dans la situation où nous les avons placés nous-mêmes. Ils peuvent se diriger sur Elvangen, Heydenheim, Neresheim, pousser même jusqu’à Nordlingen, s’ils le jugent convenable. À ce grave inconvénient s’enjoint un autre. Nous voulons livrer bataille, mais comment y parvenir ? L’Iller n’est guéable nulle part. L’ennemi n’a qu’à rompre les ponts ; nous n’avons plus aucun moyen de l’atteindre. Se décide-t-il à combattre, la chance devient fort douteuse. Nous sommes sans approvisionnements, et le défaut de subsistances commence à se faire vivement sentir. Notre cavalerie est d’une bravoure à toute épreuve ; mais le manque de fourrages, les longues marches l’ont cruellement éclaircie. La division de hussards et de chasseurs qui est attachée au 6e corps ne dépasse pas 900 chevaux. Celle du général Bourcier, qui se compose de six régiments de dragons, s’élève au plus à 1.600 hommes sous les armes. Le corps entier ne compte pas au delà de 16 à 17.000 combattants, ce qui n’est, à proprement parler, qu’une forte division.

« Le reste de l’aile droite n’a pas moins souffert. La division du général Gazan est réduite à 5.000 hommes ; celle du général Oudinot en compte à peu près 6.000 ; celle du général Suchet 8.000 ; les dragons à pied 4.000 ; la cavalerie