Page:Mullié - Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, II.djvu/255

Cette page n’a pas encore été corrigée

qui sont l’écueil ordinaire des conspirations, il avait pourvu à lui seul aux préliminaires de l’action. Toute la conspiration élait dans sa tête ; ce qu’un Comité de conjurés aurait tenté de faire ; il le suppose fait, ce que des intelligences dans les principaux corps de l’État auraient pu lui procurer, il le suppose obtenu. Les décrets qu’il aurait fallu arracher au Sénat, il les a dans son portefeuille. En vertu de ces décrets, le gouvernement impérial est aboli ; un gouvernement provisoire le remplace. Le général Malet, chargé du commandement militaire de Paris, se chargera des mesures d’exécution.

Ce gouvernement provisoire sera composé de MM. Mathieu de Montmorency, Alexis de Noailles, général Moreau, vice président, Carnot, président, maréchal Augereau, Bigonnet, ex - législateur, comte Frochot, préfet de la Seine, Florent Guyot, ex-législateur, Destutt de Tracy, général Malet, vice-amiral Tru-guet, Volney, sénateur, Garrat, sénateur.

Malet avait préparé des instructions pour tous les hommes qui devaient être ses complices sans le savoir. Ce travail préparatoire fut’immense, puisqu’il fallait remettre à chaque acteur un peu important, outre ses instructions particulières, des copies de sénatus-consulte et des proclamations. Dès qu’un rôle était complètement préparé, la dépêche était close, cachetée, numérotée et portée chez un prêtre espagnol qui demeurait rue Saint-Gilles, près la caserne de la 10e légion.

Dans la nuit du 22 au 23 octobre, échappant aux faibles consignes sous lesquelles il était détenu, Malet risque l’aventure. Cette nuit doit suffire pour lui procurer tout ce qui lui manquait encore : complices, troupes, argent et autorité.

Revêtu de son uniforme de général de brigade, il se présente d’abord à la prison de la force, et, par de faux ordres, en fait sortir les généraux Lahorie et Guidai ; il leur annonce que l’Empereur est mort le 7 octobre devant Moscou, que le Sénat a pris des mesures et qu’il faut marcher. Lahorie et Guidai le suivent.

Ils se transportent devant une caserne ; la troupe était plongée dans le plus profond sommeil. Malet parle en maître, fait battre le tambour, et réveille chefs et soldats avec sa nouvelle fatale, Y Empereur est mort. Tenant à la main les prétendus décrets du Sénat, il ordonne qu’on prenne les armes. Le soldat ne raisonne pas, il obéit ; diverses colonnes sont aussitôt mises en mouvement, et le plan s’exécute.

Un détachement commandé par Lahorie se dirige sur l’hôtel du duc de Ro-vigo, ministre de la police, en surprend l’entrée, enlève le ministre et le conduit à la prison de la Force ; un autre détachement s’empare du préfet de police et le met également en lieu de sûreté ; une troisième colonne marche sur l’Hôtel— de-Ville, et la troupe prend position sur la place de Grève, tandis que ses commandants se font remettre la clef du tocsin Saint-Jean, appellent le préfet Frochot, et font préparer, par ses soins, la salle que le gouvernement provisoire doit venir occuper.

Le jour commençait à poindre, et déjà la nouvelle de la nuit avait produit son effet. Tout Paris s’était réveillé consterné. La mort de l’Empereur n’a pas trouvé un incrédule ; chacun se renferme dans sa maison ; ce n’est qu’à la dérobée qu’on ose jeter un coup d’œil inquiet sur le parti révolutionnaire qui s’empare de la ville. Encore une heure de succès et l’action du gouvernement allait être paralysée dans ses principaux ressorts. Mais ce qu’un homme obscur a fait à force d’audace, un homme obscur va le déjouer